Devenir influenceur, la nouvelle ambition des jeunes

Publié le 25 novembre 2019.

 

Impossible pour les marques de se passer aujourd’hui des influenceurs: en 2019, les annonceurs prévoient de dépenser 21% de leur budget publicitaire dans le marketing d’influence (contre 9% en 2014) (source : France info). D’après l’agence Mediakix, le marché de l’influence sur Instagram devrait atteindre 1,7 milliards de dollars d’ici la fin de l’année 2019. D’abord né sur YouTube au milieu des années 2000, avant d’exploser sur Instagram à partir de 2015, ce métier d’influenceur a tout pour faire rêver les jeunes : la notoriété, l’indépendance, la promesse de vivre de sa passion, de collaborer avec des grandes marques…

 

La rémunération des influenceurs stars a aussi de quoi faire rêver : Alexa Chung, qui compte plus de 3 millions de followers, touche 4500 dollars pour un spot sponsorisé ; pour Chiara Ferragni, un post sponsorisé rapporte 19.500 dollars. Pourtant, les écarts entre influenceurs sont extrêmes et rares sont ceux qui peuvent compter sur des rémunérations aussi exorbitantes. Selon un sondage de l’agence Reech, 94,8% des influenceurs gagnent moins de 500 euros par partenariat. 86,7% des personnes interrogées ont avoué ne pas en vivre. Ils ne sont que 6,4% à gagner entre 10.000 et 50.000 euros par an.

 

Il faut dire que ces salaires ne prennent pas en compte les contreparties en nature auxquels donnent accès les collaborations avec des marques : voyages, chambres d’hôtel, vêtements, chaussures, accessoires, déco… Ces avantages font aussi partie de l’attrait du métier d’influenceur, au point que certains jeunes font semblant d’avoir des partenariats avec des marques, en imitant dans leurs publications le style et le type d’images typiques des posts sponsorisés. Brian Phao, un influenceur de 19 ans de San Diego, explique à The Atlantic qu’il voit ces faux posts sponsorisés se multiplier sur Instagram : « Dans le monde de l’influence, [les partenariats avec des marques] sont de la street cred… Plus vous avez de sponsors, plus vous êtes crédibles… C’est très commun chez les lycéens, qui sont très influencés par les influenceurs. » Ultimement, ces faux partenariats visent à décrocher de vrais contrats avec des marques : ils donnent une impression de respectabilité à ces influenceurs et peuvent faire croire que les contenus qu’ils produisent sont de qualité suffisante pour donner lieu à ce genre d’opportunités.

 

Ce genre de stratagème pour se faire remarquer par les marques témoigne de l’attractivité de la profession et reflète à quel point la concurrence est dure entre influenceurs. Car pour continuer de concurrencer le marché de la publicité traditionnelle, les influenceurs n’ont d’autre choix que de se professionnaliser : en plus d’être des créateurs de contenus et de maîtriser le montage vidéo, la direction artistique, la photographie… ils doivent aussi endosser le rôle de community manager, négocier les contrats avec les marques, gérer les aspects financiers… Certains, comme Diipa Khosla, une influenceuse britannique de 28 ans, se transforment en véritables petites entreprises, employant plusieurs agents (elle dit travailler avec un agent en France, un au Royaume-Uni, un aux Etats-Unis et un à Dubaï) ainsi qu’un « content manager », un « finance and taxes manager » et un « business manager ».

 

Face à cette montée en compétences et à l’attrait qu’exerce le statut d’influenceur, des business se développent qui se proposent de faire leur beurre d’une telle tendance : on voit se multiplier les agences spécialisées en influence, les agents dont la commission s’élève de 10 à 30% de la rémunération de l’influenceur, ou encore les formations en ligne ou les cursus spécialisés pour devenir influenceur. Au programme : ligne éditoriale, création de contenus photo et vidéo, stratégie webmarketing, et surtout la promesse de multiplier son nombre d’abonnés et de décrocher des partenariats avec des marques. Les prix varient : Nicolas Kern, autoproclamé « premier coach Instagram de France », propose une offre à 299€ qui inclut formation, coaching par téléphone et suivi par email. «Influence Academy », dont l’équipe pédagogique se compose de Glenn, fondateurs d’agences spécialistes d’Instagram, de Nolwenn, instagrameuse et photographe, de Maylis, blogueuse et entrepreneuse mais aussi d’un directeur artistique, d’un responsable technique et d’un juriste en droit de la propriété intellectuelle, propose une formation en ligne d’un mois environ dont le prix varie de 89 à 149€ selon que celle-ci inclut un « coaching privé » avec un influenceur. Les organismes de formation traditionnels aussi comptent bien se tailler leur part du gâteau : le CFPJ propose la formation courte « Devenir Influenceur » à 1850€ HT pour 3 jours (21 heures). A l’international, la « UCLA Extension » propose le cours de 5 semaines « Personal Branding and Becoming an Influencer » pour 455€. En Italie, c’est Condé Nast qui ouvre sa « Social Academy » qui propose une formation sur 4 mois avec une semaine par mois de présence en salle de classe à temps plein. Comme quoi, il n’y a pas que le marché de l’influence qui rapporte : les rêves des aspirants influenceurs aussi peuvent être lucratifs.

 

Katia Tosco, pôle Social & Content

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